Victor s'écroulant sur le front desk du bar karaoké, hors d'haleine.

« «OK. Je sais ce que tu vas dire. Mais je suis moins en retard que la dernière fois. »

Considérant que la dernière fois, il était tellement K.O. de sa soirée de la veille qu'il avait tout simplement oublié de se présenter, il jugeait que 45 min de retard était une amélioration indiscutable. Il jeta un regard faussement contrit à Byrne et, entre deux toussotements pour reprendre son souffle, lui décocha un large sourire complice.

« Allez, fait pas la tête! Ton collègue préféré (c'est moi ça) est maintenant là pour sauver la situation et te relever de ton ennuie! «

Étrangement, Byrne n'avait pas l'air de trouver la situation très drôle. En l’occurrence, elle était muette comme une carpe et lui lançait un regard qu'il jugeait indéchiffrable, mais qui augurait sûrement très mal.

« ... »

Il la fixa du regard sans rien dire, troquant ses airs faussement repentant pour afficher une incrédulité sincère. Qu'est-ce qu'elle avait la petite, elle lui faisait réellement la gueule? Pour une petite histoire de retard ringard? Il sentit une drôle d'émotion venir lui chatouille les tripes. Bon c'était quoi ça, de la… de la culpabilité? Du remords? Eh ben Victor, qu'est-ce qui se passe, tu t'affaiblis. C'est l'âge, la vieillesse qui te rattrape et ramolli ton coeur? Ou peut-être le hangover sournois qui lui battait les tempes et troublait son jugement… ou simplement, c'était Byrne elle-même et l'emprise mystérieuse et inexplicable qu'elle avait sur lui. Il hésita un instant, puis poussa un soupir d'abdication.

« c'est bon là, arrête de faire la tête, pour me faire pardonner, je te laisse faire de moi ce que tu veux… Mais attention ma jolie, tu pourrais prendre goût à mon corps d'Apolon;););)  

Travailler avec Victor, c’était un peu comme se chanter cette vieille chanson de reality TV Show “LA VIE EST UN SPORT DANGEREUX-EEUUUX” (clique ici et enjoy)... parce que vraiment, on ne savait jamais, mais JAMAIS à quoi s’attendre avec lui… particulièrement lorsqu’il s’agissait de sa présence durant ses shifts de travail… Complètement absent, en retard… très en retard, mais avec des anecdotes croustillantes, elle pouvait être certaine d’une seule chose: elle ne verrait jamais Victor arriver en avance au boulot pour prendre le relais du vieux Bill qui terminait pas mal plus tôt que tard - en même temps, tenir un bar karaoké tous les jours de la semaine alors qu’on 70 ans, Eunice ne le blâmait pas. Et donc, pendant qu’elle occupait son temps à nettoyer des verres avant le rush de début de soirée, comme un papillon, son cher Victor arriva, cil au vent.  Lui lançant un regard ennuyé - jouer la fille hard to get pas du tout charmé (lol impossible venant d’elle en plus) elle laissa son collègue patiner quelques minutes le temps de s’amuser un peu.

“Allez, fait pas la tête! Ton collègue préféré (c'est moi ça) est maintenant là pour sauver la situation et te relever de ton ennuie!” et on continue de l’ignorer platement encore une minute, se dit-elle allors qu’elle plaçait les verres fraîchement laver sur les étagères. Allez hop un verre là, l’autre ici et les verres à shooter de l’autre côté “c'est bon là, arrête de faire la tête, pour me faire pardonner, je te laisse faire de moi ce que tu veux… Mais attention ma jolie, tu pourrais prendre goût à mon corps d'Apolon”

BINGO

“COOLCOOLCOOLCOOL” elle se retourna d’un bloc vers Victor, un sourire fendant son visage normalement si accueillant de manière particulièrement diabolique: “Alors pour te faire pardonner tu vas utiliser ton corps d’Apollon - uh… - et allez nettoyer les toilettes des filles pendant que y’a personne encore… c’est que tu vois… y’a eu un petit incident”.  En vrai l’incident c’était qu’une HORDE de fille étaient venu faire la fête jusqu’à la fermeture et qu’elles étaient toutes visiblement dans leur règles en même temps.  L’odeur des toilettes des filles étaient tout simplement atroce et Eunice - fille ou pas - s’était jurer qu’elle n’allait pas nettoyer ça (for fuck sake en plus c’était la job de la fille de la veille de le faire et elle avait choker elle aussi!  Traitre!) et puis quoi?  Victor c'était un lover boi... fallait aimer le meilleur... et le pire dans ce cas-là non?

“Alors pour te faire pardonner tu vas utiliser ton corps d’Apollon - uh… -»

Victor attendait la suite de la demande avec un sourire avide. Fingers crossed, il espérait qu’elle lui demande un massage des épaules. Il commençait à être plutôt doué de ce côté-là et ça ne ferait pas de torts à Byrne de se décoincer et de relaxer un peu...

«et allez nettoyer les toilettes des filles pendant que y’a personne encore… c’est que tu vois… y’a eu un petit incident»  

Il la regarda en silence, interdit.

«Je ne comprend pas. C’est pas un massage, ça?»

Devant l’air plus que sérieux de Byrne, il fut forcé de faire face à la réalité. Elle était sérieuse. Elle voulait vraiment qu’il aille torcher les chiottes des filles, sachant très bien que si Byrne faisait allusion à ‘un petit accident’, c’était certainement la cata. Bon. C’était 100% son orgueil qui lui plaqua un sourir condescendant sur le visage, 100% son orgueil qui le força à dire ‘’pfff, je m’attendais à un truc pas mal pire. Vos désirs sont des ordres, princesse’ et 100% son orgueil qui le fit ramasser une moppe et pousser la porte des toilettes pour voir de quoi il s’agissait.

Dommage que son orgueil ne soit pas encore assez fort pour retenir les hauts-le-coeur et effacer les images d’apocalypse sanitaires qu’il entraperçu avant de refermer vivement la porte. La seule vu de l’état des toilettes fit naître en lui l’envie urgente de prendre une douche à l’acide pour laver son âme. Il détestait s’avouer vaincu, mais là, c’était clairement au-dessus de ses capacités.

« Byrne. T’es cruelle. Il lui fit la baboune, essayant de reprendre ses esprits. Un petit 45 min de retard ne mérite pas une punition aussi disproportionnée. Je pensais plutôt à te faire un massage (A), te laisser me jouer dans les cheveux, me forcer à figurer dans ton prochain vlog»

Il avait laissé tomber les derniers mots de manière naturelle, comme si c’était la déclaration la plus banale du monde, alors qu’en fait, c’était sa petite vengeance personnelle pour le coup de toilette. Dans les dents, Byrnes, t’avais qu’à pas déterrer la hache de guerre non, c’était pas lui qui avait ouvert les hostilités en arrivant en retard. Bref, Byrne n’était pas au courant qu’il l’avait tellement stalké sur les réseaux sociaux un soir où il s’ennuyait qu’il avait découvert son vlog et qu’il avait tout regarder en SE DÉLECTANT. Il avait attendu patiemment le moment opportun de sortir cette information de sa poche et il passait enfin à l’attaque.

«Allez, il reste encore 5h à notre chiffre (4h30, disons, parce que ça va te prendre une bonne demi-heure nettoyer ces toilettes-là), ça nous laisse assez de temps pour filmer un video, non? Je suis prêt à mettre ma belle gueule d’ange à ton service pour t’attirer des followers, c’est une offre que tu ne peux pas refuser! »